• Harcèlement de rue : quand le “bonjour mademoiselle“ vire au ”salope, va te faire foutre

    Subir des regards appuyés, affronter des échanges violents, être suivi, touchée physiquement, le quotidien des filles dans l’espace public peut se révéler pénible. À Rennes, plusieurs jeunes femmes confient leur inquiétude face à des situations qui entravent leur liberté. 

    Par E.CPublié le 22/02/2017 à 17:37 Mis à jour le 26/02/2017 à 10:57

    Le compliment qui vire à l'insulte,c'est ce que constatent trop souvent plusieurs jeunes filles, habitantes de Rennes. Contactées dans le cadre de cet article, elles rapportent des situations souvent violentes.

    Coralie* 21 ans, raconte "C'était à République, aux arrêts de bus. J'étais assise en attendant le C4, en plein après-midi, et un homme d'une quarantaine d'années prends la place à côté de moi, puis se rapproche jusqu'à se coller et me parle : "bonjour mademoiselle !". Je me réponds pas, mais il continue. "Vous avez un joli rouge à lèvres !". "J'aime bien les couleurs sombres comme ça, ça fait femme fatale !", "Vous avez quel âge ?", "Vous attendez quelqu'un ?". Je ne réponds toujours pas, et soupire assez bruyamment. "Je vous dérange peut être ?".  Alors là, je réponds "oui, vous me dérangez". Et il s'est emporté "ah bah d'accord, je suis gentil avec vous, je vous complimente, alors que vous êtes juste une pute sur un banc, faut faire quoi maintenant pour vous ? Si on est sympa avec vous on vous dérange mais si on est un peu plus violent alors là ça se plaint de s'être fait violer !". Je me lève, carrément ahurie, je pars, et il continue de hurler "salope, va te faire foutre".

    Et je ne compte même plus tous les sifflements, les mains aux fesses dans le métro, les réfléxions déplacées sur un vêtement, et les regards dégoûtants.


    La même histoire est arrivée à Julie*. "Je marchais place des Lices avec des copains quand un homme est passé à côté de moi et m'a mis la main aux fesses. Il a continué à marcher d'un pas plus pressé, mais comme si rien ne s'était passé pour me faire penser sans doute qu'il ne s'était pas vraiment passé ce qu'il venait de se passer. Je lui ai couru après et l'ai insulté tout en lui faisant la morale, mes copains étaient alors avec moi pour me défendre." 

    Dans tous les cas, les filles se voient restreintes dans leur liberté, liberté de se vêtir, d'aller et venir tout simplement. D'autres histoires vont plus loin. Rares pourtant sont les filles qui se rendent au commissariat. Pourquoi ? La majorité estime qu'il n'y aura pas de suite.

    Celles qui ont porté plainte évoquent une attitude parfois culpabilisante de la part des policiers "Ils ont d'abord demandé si j'étais sûre des faits, sûre de le reconnaître, de n'avoir rien fait qui justifierait la chose [...] Il faut tomber sur les bonnes personnes."

    Selon la représentante de l’association Stop au harcèlement de rue, ce phénomène ne touche pas une ville plus qu’une autre en Bretagne. "Cela a toujours été là, mais la parole s’est libérée."explique t-elle. Elle souligne que ces comportements reflètent un climat sexiste de notre société, où la femme reste jugée sur son apparence physique.  

    L’espace public appartient aux hommes

    Autre constat, l’homme habite et s'approprie l’espace public, plus que la femme. Il s’agit finalement d’une question liée à notre éducation et notre culture.

    La mairie de Rennes a lancé depuis fin 2015 des marches exploratoires. De groupes de femmes évoquent ensemble les itinéraires qu'elles empruntent, réalisent des marches, plusieurs fois, à différents horaires. Elles dressent ensuite un bilan, avec leurs commentaires et photographies à l'appui, en soulignant les difficultés mais aussi les points positifs. Une autre marche " de restitution"est ensuite réalisée en présence des élus. Une première expérimentation a déjà eu lieu à Maurepas. D'autres sont en cours à Villejean et dans le quartier de Bréquigny. 

    Pour Geneviève Letourneux, conseillère municipale, déléguée aux droits des femmes et à l'égalité, vice-présidente cohésion sociale et politique de la ville, ces marches présentent plusieurs intérêts :"l'importance de la dimension collective lorsque l'on questionne la norme, la pertinence de s'appuyer sur le vécu des personnes et un prétexte pour s'approprier l'espace." Elle confirme "des stratégies d'évitement" de la part des femmes tout en soulignant "notre capacité commune" à agir sur cette question. Depuis la marche de Maurepas, des éclairages ont été ajoutés, des échanges ont été entrepris avec les partenaires sociaux. 

    Un vide juridique

    Juridiquement, il n'existe aucune loi en France pour freiner et punir ces attitudes. En février 2015, l'un des principaux articles de la proposition de loi sur la sûreté dans les transports publics, qui concernait le harcèlement sexiste, a été supprimé lors de son examen au Sénat. 
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